L'HISTOIRE
DE L'EXPLOIT DE MARCEL GOULETTE
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De
Jean-Michel BOURGEOIS
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Introduction
Le 26 novembre 1929, à 12 h 20, la réunion voyait
pour la première fois un avion se poser sur son sol. Une piste de fortune
avait été aménagée en bord de mer, sur le domaine de Gillot, à Sainte
Marie. Trois hommes descendaient d’un Farman à la carcasse de toile
: le capitaine Marcel Goulette, le pilote René Marchesseau et le mécanicien
Jean-Michel Bourgeois. Ils venaient de réaliser un authentique exploit
: la première liaison aérienne entre Paris et la Réunion. Partis du
Bourget le 17 octobre, ils arriveront le 27 octobre à Tananarive, où
le capitaine Goulette tombe sérieusement malade. C’est finalement un
mois plus tard que l’équipage franchira l’ultime étape de sa grande
traversée.
70 ans après, un aéroport international a grandi
sur le terrain des origines, Saint-Denis est à onze heures de vol de
Paris mais la Réunion n’a pas oublié les trois héros qui ont écrit la
première page de son histoire aérienne.
En 1953, Jean-Michel Bourgeois, seul survivant
du trio, consignait par écrit le récit de cette aventure et le confiait
à un jeune pilote réunionnais, Gérard Ethève, aujourd’hui à la tête
d’Air Austral. C’est ce récit inédit qu’Escales Australes a eu le plaisir
de proposer à ses lecteurs, tout au long de l’année 1999. De Paris à
Gao, de Niamey au Congo Belge, de la forêt équatoriale aux rives du
Mozambique, nous voyagerons dans le Farman de Goulette jusqu’à la Réunion
.
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17 octobre
Je n’ai pu dormir beaucoup en cette nuit du 16
au 17 octobre 1929. Dès 4 h 00, je suis debout, mes bagages sont prêts.
Enfin! Nous allons partir. J’habite à proximité du terrain, c’est donc
en quelques minutes que je suis à pied d’œuvre. Il est 5 h 30, les mécaniciens
de la Salmson ont sorti la voiture et essayé le moteur.
Un peu de brouillard vers le nord du terrain,
dans l’ensemble le ciel est dégagé, nous allons pouvoir foncer. Mes
coéquipiers sont arrivés, nos familles sont présentes ainsi que des
amis. Quelques photographes et journalistes sont venus pour assister
à notre envol qui n’était pas annoncé, étant donné l’heure matinale.
Nos derniers bagages, les pièces de rechange,
des sacs postaux contenant une trentaine de kilogrammes de courrier
sont entassés dans le coffre. Tout le monde est à son poste. L’aiguille
du compte-tour monte à 1550. Ça tourne rond, pas de vibrations, à l’extérieur
les spécialistes de Salmson et Farman sont satisfaits de l’essai. « Enlevez
les cales! ». L’avion prend rapidement de la vitesse, bondit et
300 mètres plus loin quitte l’herbe couchée par le vent de l’hélice.
Il est exactement 6h20.
Au bruit régulier de nos 230 CV, nous piquons
franchement vers le Sud à une vitesse de 165 kilomètres heure. Le ciel
est clair jusqu’à la Loire, à 7 h 40 nous survolons Tours. Évitant le
Massif Central, nous suivons la route de Poitiers, Angoulême, Toulouse,
Carcassonne et nous arrivons en vue de Perpignan, où nous atterrissons
à 11 h 45 exactement. Très vite, il nous faut procéder au remplissage
des réservoirs d’essence et d’huile, à la vérification succincte de
l’appareil. Pendant ce temps mes coéquipiers traitent les questions
administratives et douanières. A 12 h 10, nous décollons, mettant le
cap sur l’Espagne.
Piquant sur Carthagène, nous longeons la côte
par Castellon de la plana, Valence, nous allons arriver à la verticale
d’Alicante lorsque Marchesseau me fait constater, par la position du
volant le gauchissement, que l’appareil a tendance à pencher fortement
à gauche. Plus nous avançons, plus cette anomalie s’accentue. Que se
passe-t-il?
Il me semble que le réservoir d’essence de l’aile
gauche ne débite plus, alors que celui de droite me paraît presqu’à
sec.
A notre départ de Perpignan, nous avions l’intention
d’aller passe la nuit à Oran. De Carthagène à la côte algérienne, nous
avons un vol de 200 kilomètres au-dessus de la mer. Dans ces conditions,
Goulette juge prudent d’atterrir sur l’aérodrome le plus proche afin
de pouvoir vérifier l’appareil. A 15 h 30, nous prenons contact avec
le sol sur le terrain de Los Alcazares, à 15 km au nord de Carthagène.
Sur ce petit aérodrome en bordure de la Méditerranée, nous sommes accueillis
cordialement par les militaires espagnols qui s’empressent de mettre
à notre disposition personnel et matériel.
Je constate qu’un des deux réservoirs d’aile
ne s’est pas vidé normalement. C’est cela qui a occasionné la surcharge
d’une aile par rapport à l’autre. La cause ? Simplement un robinet qui
s’est refermé partiellement par suite du relâchement du câble de commande.
Rapidement nous remédions à ce petit incident, préparant la machine
afin de repartir le lendemain matin au lever du jour. Nous allons dîner
et coucher à l’unique hôtel de ce village aérodrome.
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18 octobre
Le 18 octobre, il est exactement 6 h 00 lorsque
le soleil apparaît à l’horizon. A l’heure dite nous décollons et prenant
rapidement de l’altitude nous mettons le cap sur Oran. La traversée
de ce bras de mer de 200 km s’effectue à 1 200 m, dans un ciel serein,
au-dessus d’une eau que nous devinons presqu’aussi calme que l’élément
dans lequel nous naviguons… Rapidement la côte de l’Afrique est en vue,
vers 7 h 30 nous la survolons et à 7 h 45 nous atterrissons sur le terrain
de La Senia.
Pendant que je vais préparer la mécanique pour
un vol de 500 km, mes compagnons vont faire l’acquisition de vivres
pour les jours suivants. Une provision de réserve est utile. Nous allons
partir vers des régions plus ou moins hospitalières, pour atteindre
Colomb-Béchar, aux portes du désert. Quittant Oran, pour s’enfoncer
vers le Sud, l’aspect du paysage change brusquement. La France nous
paraît déjà bien loin, pourtant ce n’est qu’hier que nous l’avons quitté.
A cette vitesse, nous pensons qu’il est pratiquement possible de mettre
le Niger à trois jours de Paris. Nous allons essayer de le faire. Mais
nous allons vers le mystère saharien, avec ses grandes surprises. La
végétation se raréfie, les routes s’estompent pour devenir des pistes
qui vont se perdre dans les immensités de sable. C’est le prologue du
grand désert.
Quatre heures de vol monotone au-dessus de ces
hauts plateaux et plaines, sans vie, nous amènent en vue de Colomb-Béchar,
où nous allons faire escale. Le terrain sur lequel est stationné une
escadrille de l’aéronautique militaire d’Algérie, commandée par les
capitaines Paolacci et Jean, nous paraît assez sympathique. Nous sommes
bien accueillis: grâce au dévouement de nos camarades d’escadrille,
le ravitaillement s’effectue en temps record.
Nous voudrions rejoindre Reggane avant la nuit,
à une distance de 620 km. Il nous faut donc décoller le plus vite possible.
Adieu le bon déjeuner que m’ont préparé les camarades de Béchar, un
bon casse-croûte, une bouteille de vin du cru régional auxquels je ferai
honneur en vol me sont remis pendant que je mets le moteur en route.
Quelques minutes après, notre Farman s’élève et fonce vers les immensités
du Sud algérien. Pour nous, le vol n’a plus d’attrait visuel, la navigation
à la carte devient difficile et délicate. Notre intention était d’atterrir
à Reggane, ce soir du 18 octobre, après avoir survolé Adrar, à 140 km
au Nord.
Il est 17 h 00, le soleil s’approche de l’horizon.
D’après nos calculs, nous sommes encore à 50 minutes de vol d’Adrar.
Goulette m’appelle et me désignant un point me précise qu’un terrain
de secours se trouve à environ 25 km devant nous.
Ce terrain est situé à proximité d’un petit village
indigène du nom de Ksabi. Il nous a été signalé comme repérable au milieu
des sables, grâce à sa petite palmeraie.
Nous continuons à voler dans la direction indiquée,
mais après une dizaine de minutes le soleil s’est caché derrière les
dunes. Tous trois regardons devant nous, à droite, à gauche, cherchant
à découvrir cette fameuse palmeraie. Mais rien, toujours rien. Marchesseau
opère un changement de cap à gauche, puis à droite. Nous continuons
dans cette direction, car au loin il nous semble distinguer une ligne
sombre, bien plus sombre que les autres. Plus nous approchons plus elle
se précise, aucun doute, c’est la palmeraie de Ksabi.
Et au moment où nous pensons la survoler, à l’instant
où, délassés, croyant avoir à quelques centaines de mètres au-dessous
de nous palmeraie, village, terrain d’atterrissage, avec dépit nous
constatons qu’il n’y a rien d’autres que les ombres des dunes reflétées
sur le sol par la lune qui s’est levée depuis peut de temps. A nouveau
cap à gauche : mêmes déceptions!
La nuit s’épaissit et la visibilité diminue à
chaque minute. Bientôt nous ne détaillerons plus les accidents du sol.
La situation devient sérieuse. Si nous ne voulons pas risquer de nous
écraser dans les dunes avec notre appareil, qui représente notre fortune,
il nous faut atterrir sans perdre un instant.
Nous sommes égarés, c’est un fait, mais nous
ne sommes pas encore perdus. Au-dessous de nous apparaît une bande de
terrain qui semble plate et régulière. Marchesseau pousse la manette
des gaz et prend la main. 1000, 800, 500 tours, l’avion continue à descendre
quelques secondes. Puis un léger choc, il prend contact avec le sol,
roule sans cahots et s’arrête. Nous descendons de la cabine. L’atterrissage
a été normal. Le sable est ferme, le terrain, que nous explorons aussitôt,
est plat, suffisamment long et dégagé pour permettre le décollage. Nous
sommes rassurés.
Nous sommes seuls. Autour de nous, l’immensité,
le silence. Où sommes-nous exactement ? Nous ne pouvons le préciser.
Hier matin, nous étions encore à Paris et voilà que ce soir 36 heures
après notre départ, nous allons coucher dans le désert. La nuit est
complète, seule la lune éclaire assez pour que nous puissions sortir
nos vivres et nous installer sommairement pour un repas en plein air.
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19 octobre
Bien avant la naissance du jour, nous sommes
debout, arpentant le terrain dont l’étendue et la fermeté du sol nous
donnent confiance pour le décollage. Le moteur, mis en marche, donne
satisfaction. Nous décollons facilement dans un sillage de sable. Il
faut retrouver notre route. Alors nous volons cap plein nord pendant
cinq minutes, puis nous exécutons de vaste crochets à droite, à gauche,
dans le but de découvrir une piste quelconque.
Une demi-heure après notre décollage, nous apercevons
des palmiers rabougris bordant un oued à sec. Nous reconnaissons ce
point caractéristique que nous avons survolé la vielle. La confiance
renaît à bord, des sourires remplacent les expressions d’inquiétude.
La route est retrouvée, nous mettons le cap sur Reggane.
Cependant, les suppléments de parcours non prévus
au tableau de marche ont fait diminuer notre réserve d’essence. La prudence
commande d’arrêter à Adrar, pour un ravitaillement partiel.
Notre escale est de courte durée, mais nous ne
pouvons refuser de déguster un de ces anis si cher au coloniaux du coin.
Nous repartons pour atterrir 50 minutes après sur le sables de Reggane-Taourit,
à la porte du Tanezrouft.
Vers 14 h 00, les réservoirs d’essence et d’huile
remplis à déborder, Marchesseau réussit un départ rendu difficile par
le changement de l’avion, la chaleur et la mollesse du sable. Nous nous
élançons vers le sud, pour toucher le Niger à Gao, à 1250 kilomètres
de là. Cette distance représente de 7 à 8 heures de vol. Nous nous engageons
au-dessus de la piste Estienne, ayant pris la résolution de voler jusqu’à
17 h 00 puis d’atterrir sur le premier terrain qui nous sembleras favorable.
La piste Estienne est balisée par des bidons d’essence vide de 50 et
200 litres, très espacés. L’un d’eux a donné son nom à un point connu
de tout les navigateurs et touristes sahariens: le fameux bidon 5, point
de ravitaillement des cars de la Transsaharienne qui fréquentent la
piste en période d’hiver. Nous volons à une altitude moyenne de cent
mètres. Parfois nous redescendons à trente. Dans la cabine, la chaleur
est étouffante, mêlée d’odeurs d’essence et d’huile. Nos yeux sont fixés
sur cette piste, ruban sinueux que nous ne devons pas quitter.
Il arrive que le vent de sable efface la trace
de la piste. Les minutes et les heures passent sans ennui. Alors que
le soleil rougeoyant tombe rapidement vers la lignes d’horizon, Marchesseau
dit : « Au premier endroit qui paraîtra favorable, j’essaierai d’atterrir
».. Quelques minutes après, le moteur au ralenti, l’avion descend doucement
dans une courbe gracieuse, pour prendre contact sans aucun heurt avec
un sol ferme, fait de sable et de graviers fins. Pour la deuxième fois
consécutive, nous allons passer la nuit dans le désert. Cette fois au
cœur du Tanezrouft, le « pays de la peur et de soif ».
Nous ne pouvons indiquer notre position, puisque
nous n’avons pas de radio.Néanmoins, nous pouvons estimer qu’ayant survolé
Bidon 5 une vingtaine de minutes avant l’atterrissage, nous devons nous
trouver à 50 60 kilomètres au sud, soit à 560 Reggane. Les incidents
de la vielle ne nous permettrons pas de mettre Niger à trois jours de
Paris, mais nous n’en serons pas loin. Nous sommes satisfaits de notre
situations, qui confirme nos prévisions sur la valeur des liaisons aérienne
intercoloniales et intercontinentales. L’avion deviendra le maître des
grands espaces, avec maximum de sécurité et de rapidité. Bientôt il
n’y aura plus de montagnes, d’océans, de désert. Les frontières s’effaceront
sous ses ailes. Tananarive, Saigon ne seront plus qu’à quelques jours
de Paris. La mère Patrie sera plus proche de nos colonies.
Dans quelques heures nous partirons vers le Niger
qui est là, devant nous, à quelques centaines de kilomètres. Nous verrons
Gao, nous prendrons contact avec l’Afrique Noire. La première partie
de notre programme sera réalisée.
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20 octobre
Lorsqu’on a étouffé de chaleur durant une journée
dans la cabine d’un avion et que l’on se réveille dans les sables du
Tanezrouft vers 4 heures du matin, on a l’impression que les nuits du
Sahara sont très froides. En ce matin du 20 octobre, nous en faisons
l’expérience et ce n’est pas par fantaisie que nous parcourons quelques
centaines de mètres au pas de gymnastique pour nous réchauffer un peu
Il fait à peine jour quand nous repartons en
direction du Sud. Durant prés de deux heures, le paysage survolé présente
sensiblement le même aspect que la veille. Puis on commence à repérer
un peu de végétation, quelques épineux rabougris, de temps en temps
une piste qui semble fréquentée, enfin des groupes d’humains et d’animaux.
Le temps passe, sans aucun souci quand trois heures après le décollage
apparaît devant notre ligne d’horizon une étendue qui brille au soleil.
Rapidement cette nappe se précise, suffisamment
pour nous donner la certitude qu c’est un fleuve. Or ce fleuve ne peut
être que le Niger.
Le Sahara est traversé, une fois de plus l’avion
a vaincu les 1200 kilomètres de désert. Favorisés par un léger vent
du Nord, nous sommes en avance de 40 minutes sur l’horaire prévu. Nous
atteignons le Niger dans la boucle de Bourem puis nous piquons vers
Gao où nous atterrissons vers 9 h 40. Aussitôt, nous sommes entourés
par une foule énorme, civils, militaires, indigènes, Nous retournons
des amis aviateurs connus au Bourget.
En 3 jours, 4 heures, nous venons de relier Paris
à Gao. Pour la première fois, on lit des lettres postées en France quatre
jours auparavant. Inutile de dire à quel point nous sommes heureux.
Compte tenu de quelques petites erreurs dues à notre inexpérience sur
le parcours saharien nous sommes en droit d’espérer que d’ici peu de
temps, Paris ne sera plus qu’à 48 heures de l’Afrique Noire.
A 12 h 10, nous quittons ce petit poste français
qui nous a si bien accueilli. C’est à Niamey,à 440 km, que nous allons
faire escale. Aucune erreur de navigation n’est possible. Le temps est
beau, au-dessous de nous, le Niger, large de plusieurs kilomètres en
certains endroits, nous conduira à l’étape. Cependant le vol est rendu
assez pénible par la chaleur qui provoque des remous, dans lesquels
un avion chargé se défend difficilement.
Après avoir passé deux journées au-dessus de
plaines désertiques, le paysage nous semble attrayant, coloré, vivant.
Des villages indigènes, de nombreux troupeaux, le Niger avec ses rives
verdoyantes. Nous venons de découvrir l‘Afrique, la vraie. Captivés
par ce «nouveau » qui défile au-dessous de nous, nous ne nous inquiétons
guère du temps de vol. Il y a deux heures que nous avons quitté Gao,
nous allons survoler un centre important. Serait-ce déjà Niamey ?
Je signale le fait à Goulette. Dans ce cas, me
répond-il, il aurait fallu que nous fussions aidés par un vent arrière
très fort, or je ne crois pas que nous dépassions la vitesse de 200
km/h. Ca ne peut pas être Niamey.
Précisons que les cartes africaines de l’époque
manquent de détails et que nos instruments de navigation sont réduits
au strict nécessaire. Vers le nord-est de l’agglomération, nous apercevons
un cercle blanc signalant un terrain d’atterrissages. D’un commun accord
il est décidé de s’y poser.
Suivant son habitude, Marchesseau nous dépose
en douceur, sur un terrain dégagé. Il n’y a personne. A peine avons
nous le temps d’examiner les lieux, que de tous cotés accourent des
indigènes vêtus d’accoutrements divers, aux couleurs les plus variées.
Au milieu de cette nuée qui grossit par enchantement, apparaît une vielle
camionnette Ford qui fonce à toute vitesse, s’arrêtant devant notre
machine. Un européen, jeune, d’allure sportive, en descend, se présente
comme l’administrateur du cercle. Nous apprenons que nous sommes à Tillabery,
Niamey se trouve à 110 kilomètres d’ici.
Le vent de cet après-midi nous a été défavorable,
puisque depuis Gao nous avons fait 130 km/h de moyenne. Nous n’y pouvons
rien. Nos prétentions de ce jour se limiteront à l’escale de Niamey,
que nous atteindrons facilement avant la nuit. Profitons donc de ce
répit, pour accepter l’invitation de notre jeune fonctionnaire qui tient
absolument à nous faire visiter sa ville et déguster quelque boisson
rafraîchissante. La vielle Ford, bondissant à travers la piste, empruntant
des chemins plus ou moins carrossables, nous emmène vers Tillabery,
ville indigène assez importante, sise sur les rives et dans une des
régions les plus pittoresques du Niger.
A notre retour sur le terrain, nous sommes surpris
de trouver un rassemblement compact de Noirs venus de tous les centres
environnants pour voir notre aéroplane. Maintenus à distance par je
sais quelle consigne, disciplinés mais bruyants, ils forment une haie
épaisse. Nous évaluons à plus d’un millier de sujets cette foule parmi
laquelle nous devrons avec difficulté faire ouvrir une brèche afin de
pouvoir décoller.
Il ne nous faut que 50 minutes pour arriver à
la verticale de Niamey. Le terrain, qui possède un hangar, est facilement
repérable. Comme à Gao, nous faisons l’objet d’un accueil chaleureux
de la part des personnalités civiles, militaires, et de toute la population
blanche et indigène. Pensez donc! Un avion qui vient directement de
France, ça ne se voit pas tous les jours. Et un équipage qui apporte
des nouvelles toutes fraîches des parents, des amis!
La machine préparée en vue de la prochaine étape,
nous nous abandonnons à une masse enthousiaste, répondant à des invitations
sincères. Nous allons être fêtés aussi bien par Monsieur le Gouverneur
que par le plus petit caporal de la Coloniale. Mais nous avons besoin
d’un bon repos et le lit qui nous reçoit ce soir-là est le bienvenu.
Déjà les nuits du désert paraissent loin et les images de la nature
défilent à grande allure.
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21 octobre
Nous quittons Niamey le 21 octobre à 6 h 00,
sur un décollage rendu difficile par le mauvais état de la piste. Nous
abandonnons le Niger , mettant le cap sur l’Est en direction de Zinder,
demi étape de la journée : 750 kilomètres que nous estimons couvrir
en cinq heures. Étape sans histoire. Nous survolons Birni, N’Konn Madaoua,
Tessaoua. Il est 11 h 30 lorsque nous faisons connaissance avec le terrain
de Zinder. De Niamey, la radio a annoncé notre passage. Nous apercevons
beaucoup de monde sur l’aérodrome. Le ravitaillement doit être préparé,
en opérant vite nous pourrions repartir vers 12 h 15 – 12 h 30 et être
à Fort –Lamy (L‘actuelle Ndjamena, capitale du Tchad ) avant la nuit.
Mais il y a l’imprévu ! Je commence mes opérations
habituelles de vérification, graissage, remplacement d’un ressort cassé.
Durant cette occupation, le « patron » fait le nécessaire
pour obtenir essence et huile. Zinder possède un beau hangar, et aussi
un stock de carburant aviation. Mais cette essence est réservée aux
appareils militaires qui peuvent passer. Le responsable de ce stock
ne peut en disposer sans instructions de l’autorité supérieure. Mes
compagnons sont emmenés vers les nombreuses automobiles qui se trouvent
aux abords du terrain, lesquelles, telle une caravane, partent en direction
de la ville. Les minutes s’ajoutent aux minutes, deviennent des heures,
et j’attends toujours l’essence. Enfin ! Elle arrive deux heures après
l’atterrissage, en bidons de 4 gallons (18,2 litres ) eux-mêmes en caisses
qu’il faut ouvrir. Pas de pompe de remplissage, l’opération doit se
faire entièrement à la main en vidant directement les bidons dans les
réservoirs. Quand tout est terminé, il est 14 h 30, il nous reste deux
heures trente de jour certain. Fort –Lamy est à 650 kilomètres d’ici,
il n’existe par de terrain intermédiaire sur le parcours. Nous sommes
dans l’obligation de coucher à Zinder, d’ou nous repartions demain de
très bonne heure.
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22 octobre
22 octobre 1929. A 5h00 l’avion est en piste,
nous faisions nos derniers préparatifs. le terrain est envahi par une
foule d’indigènes, représentants des tribus de région. Les notabilités
se détachent de leurs suites pour nous offrir des hommages et des saluts
touchants par leur accent de sincérité et leur sympathie. Parmi le gros
de la troupe restée immobile sur le terrain, certains hommes se mettent
à nous faire entendre un concert des plus bruyant, en se servant d’instruments
à vent aussi bizarres que la musique qu’ils produisent. Je n’ai pas
su exactement se que signifiait cette parodie, on nous a dit simplement
que c’était là un très grand honneur que l’on nous faisait. Je m’arrache
à mes contemplations, pour prendre place dans l’avion et mettre le moteur
en marche. La journée s’annonce belle, il faut foncer. De zinder à Fort-Lamy,
il y a 4 heures 35 de vol, qui s’effectue sans aucun ennui. Nous suivons
la piste jusqu’à Maine Soroa. De cette région nous distinguons
le tchad, que nous survolons sur sa partie méridionale. Nous
coupons le fleuve Chari, qui nous amène en vue de Fort-Lamy,
et c'est l'atterissage sur un terrain restreint, au sol marécageux
à cette époque.
Aussitôt, nous sommes submergés
par une foule compacte, pleine d'enthousiasme. Le courrier de France
que nous apportons est dépouillé, distribué immédiatement
sur place. La majeure partie des destinataires est présente.
La joie de ces hommes est inconcevable. Recevoir des nouvelles datant
de 6 jours, au lieu d'un mois et plus, c'est appréciable !
Mais le temps passe bien vite lorsqu'on se trouve
dans ces ambiances. C'est avec difficultés que nous nous arrachons
à ces effusions si sympathiques, pour repartir en direction de
Fort-Archambault (Sahr au Tchad). Avec le Chari comme repère,
un avion qui vole admirablement et un moteur qui tourne si régulièrement,
nous allons relier les deux villes, distantes de 500 kilomètres, en
trois heures, sans fatigue. Nous survolons des régions giboyeuses, renommées
par leur chasses et leur pêches.
Le terrain d'atterrissage est signalé par des
feux dégageant une fumée épaisse et lourde stagnant à quelques mètres
au-dessus du sol. Il n'y a pas de vent et cette fumée est gênante. Après
un tour de piste, Marchesseau se pose au jugé. Nous nous dégageons rapidement
de cette nappe incommode, roulant vers un groupe qui nous fait des signes.
Nous trouvons là l'Administrateur et la colonie française de la ville,
qui ne compte qu'une vingtaine de personne. De charmantes dames françaises
nous offrent des gerbes de fleurs. Les indigènes sont nombreux autour
de nous. Il ne portent qu'un simple et minuscule cache sexe fixé on
ne sait comment.
Le ravitaillement en carburant est laborieux.
L'essence que l'on nous apporte dans des fûts métallique de 200 litre
est stockée depuis plusieurs années. Les récipients sont oxydés intérieurement,
ils renferment des impuretés solides et de l'eau. Le liquide filtrera
très lentement à travers la peau de chamois.
Retrouvant mes coéquipiers, après une douche
bienfaisante et les apéritifs traditionnels, nous faisons honneur à
un fin et copieux dîner.
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23 octobre
Notre programme de cette journée du 23 octobre
prévoit deux étapes: Fort-Archambault Bangui (520 km) et Bangui - Coquilhatville,
au Congo Belge (500 km). Aujourd'hui, nous allons faire connaissance
avec l'immense, la mystérieuse forêt équatoriale et nous irons coucher
à quelques kilomètres de la ligne.
Nous volons dans une mer de nuages, coupée par
de belles éclaircies, lorsque le moteur a des ratés, caractéristique
d'une alimentation en essence défectueuse. Nous nous demandons si le
moteur ne va pas s'arrêter, nous perdons lentement de l'altitude. En
dessous : la brousse, quelques gros arbres qui se rapprochent. Dans
ce décor, il ne faut pas penser à atterrir. La situation peut devenir
critique. Les minutes paraissent longues.
Mais voila qu'au travers d'une grande éclaircie,
là-bas vers la gauche, nous voyons un fleuve: l'Oubangui. En le suivant,
nous atteindrons Bangui.. Nous sommes rassurés, d'autant que le moteur
tourne un peu plus rond. Volant à une cinquantaine de mètre, sous un
plafond brumeux et bas, nous débouchons sur la ville. Marchessau doit
effectuer deux tentatives avant de réussir à atterrir sur ce terrain
encadré d'obstacles.
A la porte de la grande forêt équatoriale, nous
sommes accueillis aux accent de la Marseillaise, exécutée par une musique
militaire indigène.
Après les petits ennuis de moteur qui ont marqué
l'étape de ce matin, il est absolument nécessaire de débarrasser les
réservoirs d'essence de toutes les impuretés qui ont pu s'y introduire.
Sur plusieurs milliers de kilomètres, nous allons survoler des régions
où la panne ne pardonne pas
Notre arrêt à Bangui a duré 3 heures 30. Dès
le décollage, nous effectuons quelques tours au-dessus de la ville port
prendre de l'altitude et contrôler la marche du moteur. Nous nous engageons
au-dessus de la grande forêt, cap sur Coquilhatville. Le ciel est chargé
de nuage orageux. Nous volons à mille mètre au-dessus d'une végétation
inextricable, dominée par des cimes d'arbres pouvant avoir jusqu'à 60
mètres de. Il ne ferait pas bon d'avoir la panne sèche à ce moment-là.
Nous allons nous casser la figure
!
Piquant plein Sud, nous avons perdu de vue la
vallée de l'Oubangui, nous coupons quelques-uns de ses affluents qui
serpentent entre les grands arbres. Le ciel devient plus nuageux, très
sombre vers le Sud. Il faut arriver à Coquilhatville avant la nuit,
le moteur qui ronronne sans un raté est poussé à fond. Au loin, un cours
d'eau reflète les rayons du soleil. C'est le Congo, que nous allons
suivre sur 100 kilomètres.
Mais l'orage se précise. Prudemment nous le contournons,
et derrière la masse nuageuse apparaît Coquilhatville. Il était temps
! La nuit descend rapidement, certains détails au sol sont à peine perceptible.
Le terrain de la SABENA est délicat à repérer. Sis à 3 km de la ville,
il ne comporte qu'une bande de 400 mètres de long et d'une quarantaine
de large.
Après quelques et difficultés de repérage, c'est
par un bon atterrissage que nous prenons contact avec le sol de la grande
et belle colonie belge du Congo. Nous sommes accueillis fort aimablement
par le commandant De Conning, chef des bases et terrains de la SABENA.
L'avion est abrité dans un hangar, protégé des effets de la pluie et
du brouillard.
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24 octobre
Après une bonne nuit de repos, nous sommes prêts
à repartir en direction de Kanda-Kanda, à 1100 km au Sud-est, avec Escale
de ravitaillement prévue à Luebo. Nous continuerons à survoler la forêt
et les territoires belges. Le brouillard épais qui plane sur le sol
nous à contraint à retarder notre départ et il est un peu plus de 8
h 00 quand nous décollons, pour franchir la ligne de l’Équateur à quelques
kilomètres de là. Puis, comme l’après midi de la veille, le vol continue
au-dessus des forêts coupées par des fleuves ou des lacs immenses, qui
s’étendent parfois sur plusieurs centaines de kilomètres. Astreints
à suivre la ligne des terrains de secours de la SABENA, nous mettrons
quatre heures trente pour parcourir les 750 km jusqu’à Luebo. Ce dernier
centre est un des principaux terrains d’escale de la SABENA, en pleine
forêt, au carrefour des lignes qui desservent le nord du Congo, Elisabethville
et Léopoldville. Le terrain est spacieux, bien dégagé, mais le sol est
lourd. En roulant pour atteindre la piste d’envol, les roues l’appareil
s’enlisent dans un passage de sable mou. Il faut faire appel à la main
d’œuvre indigène pour dégager la machine de sa mauvaise position.
Malgré la chaleur étouffante à cette heure de
la journée, nous parvenons à décoller, nous promettant bien de ne jamais
plus utiliser ce terrain.
Notre étape de ce soir est fixée à Kanda-Kanda,
petite promenade de 350 km. Mais les tornades que la prudence nous conseille
de contourner allongent sensiblement notre route.
Comme la veille, la soirée est très orageuse.
Pour éviter de rentrer dans cette zone, nous prenons la décision d’atterrir
sur un terrain de secours, à une vingtaine de kilomètres du centre.
Bien qu’il fut encombré par un troupeau de boeufs et accidenté de quelques
termitières, ce terrain nous reçoit correctement. C’est bien une chance,
puisque nous allons apprendre qu’il est désaffecté à la navigation aérienne
et n’est plus entretenu. Immédiatement après l’atterrissage, apparaissent
de nombreux indigène qui avancent vert notre appareil en poussant des
cris de joie. Dès que le moteur stoppe, ils s’approchent résolument,
nous regardent avec curiosité et examinent notre machine de très et
même de trop près. Les plus hardis commencent à palper, puis secouer
les ailes et les gouvernes de l’avion d’une façon brutale. C’est alors
que l’idée me vient de monter au poste de pilotage et de faire fonctionner
le démarreur. L’hélice vire de quelques tours, accompagnée par plusieurs
explosions de moteur. Le résultat est efficace. La foule s’écoule rapidement.
Je profite de la situation pour faire comprendre à quelques un qu’il
y un grand danger à rester top près de l’appareil. Ces explications
doivent suffire et la masse humaine recule pour se retirer. Bientôt,
des Européen arrivent. Parmi eux se trouve un Français, vrai titi de
Paris qui se met à notre disposition, rassemblant des indigènes, faisant
abattre les termitières, raser les herbes et broussailles pour réaliser
une piste d’envol parfaite.
L’avion passera la nuit, sans abri, amarré au
sol par des pieux et cordages. Au cours de la nuit, nous sommes réveillés
par le sifflement d’un vent violent et des rafales de pluies qui cinglent
les murs de notre habitation. C’est la tornade. Nous nous précipitons
sur l’appareil qui commence à être ballotté sérieusement. Nos hôtes
européens, avec qui nous avons passé la soirée, ont alerté les indigène.
Ceux-ci accourent nombreux. Les uns sont collés au fuselage sur lequel
ils s’appuient de tout leur poids. Les autres cramponnés aux mâts des
ailes usent de leur force pour que la machine ne soit pas soulevé par
les éléments en furie. La tornade passera avec sa violence caractéristique,
la vitesse du vent diminuera, la pluie ne cessera complètement qu’à
la levée du jour.
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25 octobre
L’avion est intact, mais le terrain est transformé
en marécage. De nouvelles inquiétudes nous assaillent : comment va se
passer le décollage, avec devant nous un mur à franchir, la forêt? Le
moteur donne son maximum, les freins sont lâchés. Après voir roulé sur
la presque totalité du terrain, Marchesseau, qui a calculer juste, réussit
à décoller l’engin pour passer tangent à quelques mètres seulement au-dessus
des premiers arbres. L’avion dont les toiles imprégnées de pluie sont
flasques répond mollement aux commandes. Immédiatement nous rentrons
dans les nuages épais qui se traînent au ras de la forêt. Nous ne distinguons
même plus l’extrémité des ailes. Notre pilote sent que nous frisons
la perte de vitesse, la rose du compas tourne dans tous les sens. Marchesseau
fait un geste de désespoir et nous crie ; « On va se casser la
figure! ». Crispé sur ses commandes, il insiste avec énergie.
Et la chance sera avec nous, puisque nous sortons
des nuages pour voir les arbres en dessous. Nous poussons une clameur
de soulagement. L’avion continue à grimper, nous sommes entièrement
dégagés de la « crasse ». Au dessus, le ciel est d’un pur.
Le compas Vion indique que nous tournons le dos à notre objectif, Elisabethville.
Nous rectifions la position et fonçons vers la capitale du Katanga,
distante de 700 km. Nous prévoyons un vol d’une durée de cinq heures.
Nous voyons des arbres, toujours des arbres, coupés par des lacs, des
marécages, des fleuves, des clairières où pullulent les hippopotames.
Puis les petits villages indigènes deviennent plus condensés à proximité
d’exploitations minières et forestières. Enfin, une ligne de chemin
de fer : c’est la ligne qui part du Cap pour aboutir en ce cœur du Congo,
à Port-Franqui.
Il est un peu plus de midi lorsque nous survolons
Elisabethville on dit aussi Eville, dans le langage local avant d’atterrir
sur le terrain de la SABENA. L’étape a été Pénible pour notre chef de
bord, qui a pris froid au cours de la nuit. Abattu par la fièvre, nous
lui conseillons d’aller se faire examiner par un médecin. C’est ce qu’il
fait pendant que je prépare l’aéroplane, en vue d’un autre vol qui nous
emmènera chez les Anglais. Nous approchons de la côte orientale africaine.
Malgré tous l’attrait qu’a pu exercer sur nous
cette mystérieuse et immense forêt, que nous survolons depuis trois
jours nous sommes très heureux de nous en libérer, cet après-midi du
25 octobre, en couvrant l’étape Elisabethville Broken-hill. L’atmosphère
est lourde, l’avion refuse de grimper, nous plafonnons à 400 – 500 mètres
au-dessus du sol, qui est à 1400 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Les clairières deviennent plus nombreuse, nous
y distinguons de beaux troupeaux d’éléphants.Nous appuyons fortement
à gauche pour retrouver la ligne de chemin de fer du cap .
Nous savons qu’elle relie Elisabethville à broken,
nous y remarquons une forte activité entre les centres miniers. Nous
arrivons au but vers 17 h 00. Le terrain est spacieux, il diffère de
ceux de la SABENA par la disposition des deux pistes qui se croisent
en leur milieu.
Ce soir le capitaine ne dînera pas avec nous.
Fatigué, terrassé par la fièvre, il se met au lit dès son arrivée à
l’hôtel où on nous a conduit. Marchesseau et moi-même faisons honneur
à un repas de premier ordre. Demain, 26 octobre, nous décollerons à
5 h 00 essayant d’atteindre la côte du Mozambique à Quelimane.
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26 octobre
Peu de personnes sur le terrain. Nous montons
rapidement pour franchir les hauteurs environnantes et sous peu nous
atteignons la frontière de l’Afrique portugaise. Nous découvrons le
Zambèze, dont le ruban clair qui brille au soleil s’allongera sinueux
devant nous, pour nous amener sans calcul de navigation au but de l’étape.
Nous quittons définitivement cette forêt équatoriale que nous avons
eu au-dessous de nous sur près de 3000 kilomètres. Vers 10 h 00, nous
sommes à la verticale de Tete, la plus grande partie de l’étape est
couverte. Dans la première partie du voyage, mes compagnons ont eu des
petits malaises dus à la fatigue, mais tous est redevenu normal à bord.
Désireux de voir de plus près le fleuve et ses crocodiles énormes, allongés
paresseusement sur des bancs de sables et les rives, nous descendons
à faible altitude.
A notre départ de Paris, nous n’avions pu obtenir
des renseignement précis et détaillés sur la situation géographique
du terrain de secours de Quelimane. On nous donne l’assurance que notre
arrivée a été signalée par radio depuis Broken Hill, et même depuis
Elisabethville. Nous pensons que ce terrain sera suffisamment signalé
ou balisé pour être repéré facilement.
Nous survolons la ville de Quelimane à faible
altitude, la contournant plusieurs fois, élargissant un peut plus le
diamètre de notre cercle à chaque passage. Nous ne nous voyons pas de
terrain balisé. Nous nous éloignons de l’agglomération, passant en rase-mottes
au-dessus des plaines herbeuses qui nous semblent atterrissables. Nous
nous éloignons toujours de Quelimane, tournant depuis plus d’une heure,
sans découvrir le terrain qui doit nous recevoir. Lassé, Marchesseau
prend sa décision Ayant repéré une bande qui lui semble favorable, il
réduit le moteur et l’avion descend. Un léger choc, le bruit sec des
amortisseurs, l’avion s’arrête après une course réduite, freinée par
les hautes herbes sèches. Nous venons d’atterrir dans un des marais
du Zambèze. La chance est pour nous. En certaines saisons, terrain sont
vaseux, et même recouverts par plusieurs mètres d’eau.
Nous savons que nous sommes assez loin de la
ville, au nord. Nous restons sur place, attendant du secours. Celui-ci
se présente à nous en la personne de trois Noirs, qui apparaissent timidement
parmi les hautes herbes. Ils arrivent à comprendre que nous désirons
aller à Quelimane. Ils repartent, servant de guide à mes compagnons,
et les emmènent en pirogue. Ils rencontrent un canot automobile à notre
recherche sur ce bras du Zambèze, prennent place pour aller atterrir
sur la rive gauche du fleuve où se trouve le gouverneur et les personnalités
de la colonie portugaise.
Deux heures plus tard, Marchesseau réapparaît.
Il est allé reconnaître le terrain et me donne quelques détails. Le
gardien indigène du terrain de Quelimane avait été chargé d’allumer
des feux de signalisation dès qu’il entendrait ou apercevrait un avion.
Tout était prêt, mais la veille un beau lion était passé par là, dévorant
le boeuf du gardien. Celui-ci, affolé, était parti précipitamment. Dans
sa frayeur, il n’avait pas songé à avertir les autorités, qui les premières
furent surprises de ne trouver aucune signalisation.
Nous décollons avec facilité pour aller prendre
contact avec le terrain officiel, qui nous est signalé par des fumées.
Nos amis les portugais et la colonie européenne nous acclament et nous
reçoivent avec enthousiasme
Nous sommes heureux d’être arrivés sur la côte
orientale de l’Afrique. De l’autre côté, c’est Madagascar , que nous
devons atteindre demain.
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27 octobre
Ce dimanche va être un grand jour pour nous.
Dés 3 h 00, nous nous levons confiants, pour un dernier bond qui doit
nous conduire au but de notre voyage. L’étape est d’importance, aussi
nous prévoyons le décollage pour 5h00. Qu’ils sont beaux, ces départs
matinaux !
Après de touchantes manifestations de sympathie,
nous montons dans notre appareil qui, tiré par toute la puissance d’un
moteur qui n’a jamais failli, commence à rouler lentement, sous les
acclamations de la foule. Il prend rapidement de la vitesse, bondit,
décolle pour s’élever régulièrement au-dessus d’une brousse qui semble
encore endormie.
Aujourd’hui nous devons atteindre Tananarive,
mais nous allons faire un crochet et toucher Majunga, pour y remettre
du courrier. La distance en ligne droite Quelimane à Majunga est de
1050 kilomètres dont 850 au- dessus de la mer. Afin de diminuer les
risques-il y en a lorsqu’on s’engage au au-dessus de l’océan pour un
vol de 5 à 6 heures sur un avion monomoteur nous suivons la côte africaine,
remontant vers le Nord-est jusqu’au îles Parapato, à 120 km au sud de
la ville de Mozambique.
Nous nous engageons franchement au-dessus de
la mer, ayant pris comme point de mire le Cap Saint-André, terre la
plus proche. La terre africaine disparaît rapidement, nous volons assez
haut, entre 2000 et 2500 mètres. Nous traversons des bancs épais de
nuages, de nuages, chaque éclaircie nous laisse entrevoir l’écume blanche
d’une mer agitée. pas de bateau aucune terre à l’horizon. Franchement,
les heures paraissent longues. Nous sommes suspendus entre ciel et mer,
à la merci de la moindre défaillance de la machine et même d’un de ses
accessoires.
Il y a plus de deux heures trente que nous volons
dans ces conditions, lorsque, sortant d’une mer de nuage, nous voyons,
très loin, une ligne sombre au ras des flots. C’est la côte de Madagascar.
Nous repérons le cap Saint-André qui s’avance vers nous. Le laissant
sur notre droite, nous Survolons une côte de 200 km pour arriver à la
verticale de Majunga. Il est 12 h 30, depuis Quélimane nous avons volé
durant sept heures trente à la vitesse moyenne de 150 km /h. Descendus
à faible altitude, nous effectuons quelques tours au-dessus de la ville
et allons atterrir sur le terrain aménagé à plusieurs kilomètres au
nord. Il est désert : notre arrivée était signalée pour 16 h 00. Mais
nous avons besoin de ravitaillement pour poursuivre notre route. Nous
en sommes là, attendant patiemment, lorsqu‘une automobile arrive à toute
vitesse. Parmi les personnes qui en descendent, nous rencontrons Mr
le directeur des Postes. Marcel Goulette lui remet le courrier destiné
à la ville et part avec lui afin d’obtenir les ingrédients nécessaires
à l’alimentation de notre moteur. Mais c’est Dimanche, et ici comme
en France le service est réduit. Enfin , à 13 h 45, nous pouvons partir.
Manette de gaz à fond, nous fonçons vers la capitale.
La large et majestueuse Betsiboka, aux eaux rougies
par ses nombreux affluents qui descendent des hauts plateaux , nous
amène au-dessus de Maevatanana. Dès lors nous suivons la route. Nous
repérons des terrains de secours aménagés par le personnel de l’aviation
militaire malgache. Les villages deviennent plus rapprochés, plus importants
et c’est la banlieue de Tananarive, dont le Palais de la Reine, planté
au sommet d’une colline de 1400 mètres au-dessus du niveau de la mer,
sert de point de ralliement aux navigateurs aériens. Nous n’irons pas
jusque-là car la nuit approche, le ciel se couvre de gros et noirs nuages,
prélude d’un violent orage. Nous atterrissons. Le terrain d’aviation
d’Ivato est au-dessous de nous. Situé à 14 km de Tananarive, c’est l’aérodrome
officiel de la capitale. Un virage serré, Marchesseau pousse la manette
vers l’avant l’avion descend. Nous n’entendons plus les explosions du
moteur. Encore quelques secondes et nous toucherons le but. L’équipage
est victorieux. Rayonnant de joie, nous nous serrons mutuellement les
mains. L’avion a vaincu l’espace et relié Paris à Tananarive en 10 jours,
8 heures, 40 minutes.
Des l’atterrissage, nous devons caler le moteur
et abandonner l’appareil transportés par la foule. La population de
Tananarive, qui assistait à une réunion hippique, ne nous attendait
pas. Aussi la nouvelle de notre arrivée très prochaine se propagea comme
un feu de poudre et les voitures foncèrent en fils interminables sur
la route donnant accès au champ d’aviation.
Le soir, après avoir été fêtés réunis dans notre
chambre, nous dressons notre bilan. La distance exacte est de 11 900
km, parcours en 76 heures 20 minutes de vol, ce qui donne une vitesse
moyenne de 156 km / h. Malgré certaines pertes et évaporations, la consommation
d’essences par 100 kilomètres a été de 33 litres. L’avion et le moteur
se sont comportés admirablement. La preuve est faite, ce matériel peut
être utilisé sur une ligne régulière qui irait de Paris à Tananarive.
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28 octobre
Le Lundi 28 octobre, qui va nous permettre de
connaître Tananarive est la grande journée d’accueil. Toute la population
veut nous voir nous parler de notre voyage de la France. Nous recevons
des invitations de toutes parts. Mais ce même jour la malchance s’abattra
sur l’équipage. Le capitaine Goulette, homme actif, bien que fatigué
et encore fiévreux, se rend à l’observatoire de Tananarive pour y prendre
les renseignements météorologiques. Il doit y rencontrer le Révérend
Père Poisson, directeur de l’observatoire. Au cours de cette visite,
notre patron est surpris par un orage. Vêtu légèrement, il est rapidement
trempé, se sent refroidir. La fièvre augmente et le lendemain un médecin
le fait transporter à l’hôpital. Il y reste allongé pendant dix jours
entre la vie et la mort. De mon côté, je dois m’aliter pendant quelques
jours. Seul Marchésseau et intact c’est lui qui nous représentera aux
diverses réceptions officielles. Malgré les conseils prudents de ses
médecins traitants, Marcel Goulette tient à reprendre ses vols. Le 16
novembre, nous effectuons une démonstration en transportant le courrier
de Tananarive à Majunga en deux heures. Le 18 nous allons atterrir à
Antsirabe, le « Vichy malgache », ou comme à Majunga nous trouvons
un accueil chaleureux. Nous assistons à des fêtes, participons à des
baptêmes de l’air.
Mais notre mission ne s'arrête pas là. Depuis
trois semaines, les Réunionnais ont travaillé à aménager un terrain
pour nous recevoir, et nous réclament. Chaque jour, des télégrammes
viennent de là bas, la petite patrie de Roland-Garros veut voir l’avion
qui vient de France, le premier qui doit survoler cette île. L’entreprise
est hasardeuse et nous le savons.
Le lendemain de notre démonstration, nous volons
de Tananarive à Tamatave en 1 h 40. Les habitants nous ont signalé une
bande sablonneuse de 350 mètres de long et large d’une vingtaine. Des
renseignements complémentaires qui nous parviennent confirment qu’en
cas de mauvais temps, la navigation au-dessus de l’océan Indien peut
devenir très difficile, que la petite île que nous devons aller chercher
à 750 km du point de départ peut se trouver enveloppée dans un épais
système nuageux ou du brouillard qui nous empêcherait d’y atterrir.
Il y a donc prudence à partir avec une provision d’essence pour un vol
aller-retour, en tenant compte des erreurs possibles pour une distance
de 2 000 kilomètres. Grâce à l’aide des services des Travaux Publics
de Tananarive, en deux jours, un réservoir supplémentaire est confectionné
et installé dans la cabine. Dans ces conditions matérielles nous pouvons
nous aventurer au-dessus de la mer durant plus de six heures et revenir
vers Madagascar, dans le cas où nous ne pourrions pas repérer l’île
de la Réunion.
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24 novembre
Le 24 novembre, nous quittons Tananarive pour
Tamatave, d’ou nous devons partir le surlendemain pour la belle et inédite
aventure. Mais voilà qu’à l’atterrissage, un incident faillit arrêter
définitivement notre voyage. La bande de terrain aménagée en piste se
situe parallèlement à la mer. Lors de notre première voyage, le vent
était nul. Aujourd’hui, nous sommes sous l’influence du vent de mer
qui attaque l’appareil par le côté. L’avion lancé sur sa vitesse d’atterrissage
roule normalement dans l’axe du terrain, mais dés que cette vitesse
diminue il a tendance à se mettre face au vent.
Une foule dense est massée en bordure de la bande
de terrain. Elle est devant nous. Marchesseau, qui se débat avec ses
commandes coupe le moteur et me fait un signe. Dans un réflexe rapide
je tire le levier du frein d’atterrissage, les roues se bloquent brusquement.
En cet endroit du terrain le sable est mou, les roues s’enlisent, arrêtant
brusquement l’avion qui lève la queue et se met sur le nez. L’hélice
continue ses derniers tours et travaille un peu le sol avant s’arrêter.
Tous cela s’est passé en quelques secondes.
Nous descendons de l’appareil, dont le fuselage
est incliné à 45° vers le sol. Nous le remettons en position normale.
Il n’y a pas trop de mal, seules les extrémités des pales de l’hélice
sont déformées. L’hélice est démontée, nous la transportons sur le paquebot
«Explorateur Grandidier » des messageries Maritimes, ancré en rade
de Tamatave. Avec les moyens et les mécaniciens du bord, nous redressons
l’hélice à froid, malgré certaines recommandations du constructeur inscrites
sur les parties accidentées. Remise en place sur le moteur, elle est
soumise à un vol d’essai prolongé qui ne laisse déceler aucune anomalie.
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26 novembre
Le 26 novembre, dés 5 h 00, toute la population
blanche de Tamatave se presse sur le petit terrain. L’avion est couvert
d’inscriptions fantastique et amicales. Une dernière fois, nous allons
examiner ce terrain, bande étroite limitée au bout de ses 350 mètres
de longueur par un talus. Nous prévoyons un décollage assez long. Il
est 6 h 00 lorsque René Marchesseau, avec sa maîtrise habituelle, décolle
l’avion. Une légère brise souffle en provenance du Nord-est le temps
est clair. Avant de quitter la terre nous avons relevé la dérive : elle
est de l'ordre de 4 à 5 degrés. La ligne droite nous donne 750 kilomètres
à effectuer au-dessus de l'océan, infesté de requins. Nous sommes liés
à la marche de notre seul moteur. A bord, nous n'avons ni radio, ni
aucun moyen de sauvetage aérien ou maritime. Nous avons examiné le problème
sous toutes ses faces, nous avons accepté tous les risques.
La veille, vers 16 h 00, l'"explorateur Grandidier",sous
la direction du commandant Lacanau, a quitté Tamatave pour la Réunion.
Ce fait maritime se produit une fois par mois dans chaque sens. D'après
les estimations de notre chef, c'est un peu avant la moitié du parcours
prévu que nous devons retrouver le paquebot, soit deux heures vingt,
deux heures trente après avoir quitté la côte malgache. Il a été convenu
que si nous n'avons pas vu le navire à l'heure prévue, il serait prudent
de faire demi-tour.
L'altitude de 1500 mètres est atteinte. Aux commandes
de l'avion, Marchesseau estime que nous sommes influencés par des vents
assez forts en provenance du Nord-est. Dans ses calculs de navigation,
Goulette ne peut plus compter avec la dérive relevée au départ. En effet,
le dérivomètre que nous utilisons est prévu pour faire des observations
d'après des points fixes au sol. Or, que distinguons nous, à 1500 mètres
au-dessous de nous ? S'étendant à l'infini, c'est une mer agitée, dont
les crêtes blanches des vagues tranchent nettement sur des fonds bleu
sombre. Voici deux heures que nous avons quitté Tamatave. Estimant avoir
couvert 300 km, nous nous mettons en alerte. Marchesseau a ses yeux
rivés sur l'avant. Goulette, à sa table de navigation, observe vers
la gauche. Je me tiens à ses côtés, portant toute mon attention visuelle
par les hublots de droite. Nous cherchons à percer l’horizon, espérant
y découvrir un point de repère, le seul que nous pouvons trouver au
milieu de cet océan, notre sauveur l’« Explorateur Grandidier ».
La visibilité est bonne. Aucun doute nous aurions déjà dû apercevoir
le navire, mais poussés par le vent qui souffle sur le côté, dérivant
vers le Sud, nous sommes écartés de notre route. D’un commun accord,
nous décidons de voler en direction du Nord pendant une vingtaine de
minutes, dans l’espoir de couper la route du paquebot. Les vingt minutes
passent, nous n’apercevons pas le bateau. Si nous continuons à tournoyer,
nous risquons d’aggraver l’erreur de navigation. Alors bien sagement,
nous prenons la résolution de remettre le cap vers la côte malgache,
la mort dans l’âme.
Depuis 5 à 6 minutes nous volons sur le chemin
du retour. Alors que nous n’osons plus y croire, nous apercevons au
loin le panache d’une fumée. La fumée d’un navire. Nous sommes sauvés.
Moteur donnant à fond, Marchesseau pique droit sur l’objectif. Nous
remarquons que l’équipage et les passagers sont sur le pont, nous adressant
des signes, d’innombrables mouchoirs s’agitent au vent. Descendus à
très basse altitude, nous dessinons deux cercles serrés autour du navire,
puis nous en écartant pour atteindre 600 mètres, nous sommes à quelques
kilomètres en arrière de celui que nous venons de retrouver à ce bizarre
rendez-vous en mer. Nous le plaçons dans notre axe de route. Passant
rigoureusement à la verticale de notre sauveur, nous venons d’acquérir
la certitude que si nous avions continué sur notre route primitive,
nous risquions de passer très loin au large de notre but. Réconfortés,
nous fonçons vers la Réunion. Cette fois nous tenons la victoire. Nos
nerfs sont tendus, il fait chaud, nous sommes en sueur, dans une tenue
bien négligée. Nous ne pouvons plus échouer, nous le sentons.
Qu'importe le retour et ces mêmes risques. L'essentiel
est d'arriver au terminus de notre mission ne sera parfaite que lorsque
sur la carte, le trait que nous traçons après chaque étape, partant
de Paris, s'arrêtera à Saint-Denis. Derrière nous, le panache de la
fumée de l' "Explorateur Grandidier" a disparu depuis longtemps déjà.
Devant, apparaît un système nuageux dont la densité augmente au fur
et à mesure de notre avance. Parmi ce groupe de nuages, il en est bien
sombre, me semblant immobile par rapport à ceux qui l' entourent. A
n'en pas douter, c'est une montagne, une terre. C'est elle : l'île est
bien là, juste devant nous, et ce que nous distinguons c'est son sommet.
Le Piton des Neiges, de ses 3069 mètres, domine notre île de l'océan
Indien et perce le système nuageux qui l' enveloppe. Dans la cabine,
nous trépignons de joie et d'impatience. Nous piquons droit sur cette
terre dont les détails commencent à se préciser à notre vue.
Nous atteignons un petit cap, la Pointe des Galet,
survolons Saint-Denis et nous dirigeons vers la commune de Sainte-Marie
ou on nous a situé le terrain d'atterrissage. Côté mer, il est bordé
de filaos, puis entouré par des poteaux porteurs de banderoles aux couleurs
nationales et locales, qui vont gêner le pilote dans sa prise de terrain.
Autour de ce nouvel aérodrome, que nous allons étrenner, une foule se
presse, dense et animée, pour voir "l'oiseau qui vient de France ".
La brise souffle de la mer, il faut atterrir,
face aux arbres. A deux reprises, Marchesseau essaie de poser la machine,
mais tenu de passer au-dessus des mâts plantés solidement dans le sol,
il se trouve trop long. Alors, remettant les gaz nous repartons en frôlant
la cime des filaos. Nous apprendrons que ces passages en rase motte
amusèrent beaucoup la majorité des spectateurs, qui applaudissaient
à chaque fois "le salut de l'avion"!
A bord, nous ne pensons pas du comme nos admirateurs,
mais parmi ceux-ci quelques-uns ayant jugé que notre manœuvre se trouvait
gênée par les hauts décors de cette fête firent abattre quelques poteaux.
Profitant de la brèche ainsi pratiquée, notre Marchesseau posera impeccablement
l'avion FAJJB sur ce premier aérodrome de la Réunion "Rivière des pluies
".
Il est exactement midi 20 minutes. Compte tenu
du décalage horaire entre Madagascar et la Réunion, notre vol a duré
5 heures et 20 minutes. Pour la première fois, un avion relié la mère
patrie à sa fille de l'océan Indien, lui apportant aussi l'hommage des
aviateurs français à son héros natal, notre aimé Roland Garos.
FIN
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